Un Cyber-bulletin spécial s’imposait à l’heure où Haïti se retrouve en pleine tourmente, affligée, près de dix ans plus tard, par un séisme d’un tout autre type que géologique, un «séisme social» comme l’ont décrit certains observateurs.
La revue de presse recensée par sœur Maurice Mamoune de la communauté des Petites sœurs de Sainte-Thérèse s’attarde à ces nombreuses manifestions réclamant la démission du président Jovenel Moïse. Les écoliers marchent ainsi que les professeurs. Même les religieux et le clergé haïtien manifestent, demandant à tous les hommes et femmes de bonne volonté de se joindre à eux pour «faire monter vers Dieu le cri de nos douleurs», écrit sœur Mamoune, citant le président de l’Archidiocèse de Port-au-Prince.
Nous avons sondé nos partenaires, leur demandant de nous décrire leurs conditions de vie. À travers le témoignage d’Agathe Pellerin qui vit en Haïti depuis 40 ans et qui est en quelque sorte les yeux de l’AQANU Bois-Francs sur ses projets à Pilate, nous avons inséré les informations qu’ont pu glaner, de nos partenaires de Corail et de Rivière-Froide Michel Decoste et Dr Emilio Bazile.
Hélène Ruel
Entretiens avec...
Par courriel, Agathe a pu répondre aux questions de la rédactrice du Cyber-bulletin de l’AQANU.
(Hélène Ruel) Je voudrais savoir comment l’actuelle crise sociale affecte ton quotidien et celui des gens de ton entourage?
(Agathe Pellerin) Tout d’abord, on ne peut pas se rendre au travail tous les jours. Depuis que la crise est devenue plus grave, au moment où les rues ont commencé à être bloquées le 16 septembre dernier, je suis allée au bureau en moyenne un jour sur deux. Je travaille au ministère de la Santé et je peux m’y rendre en moins de 10 minutes en voiture. Donc, quand c’est possible, je m’y rends, contrairement à la majorité des autres collègues qui doivent utiliser le transport public et qui habitent des zones éloignées de Port-au-Prince. Le transport public (tap-tap et motocyclettes) est un des secteurs les plus affectés par la crise, car les chauffeurs ne se risquent pas s’il y a des barricades dans la rue. De plus, au cours du mois de septembre, le carburant était rare et cher à la suite d’un retard dans la livraison au niveau national. Cette pénurie a d’ailleurs été un des éléments déclencheurs de la crise.
J’ai pris l’habitude d’écouter les stations de radios locales tôt le matin. Elles ont toutes des reporters qui sillonnent les principaux quartiers de Port-au-Prince pour donner une idée de la situation et de la circulation. Je contacte ensuite d’autres collègues pour vérifier s’ils ont décidé de sortir. Nous utilisons beaucoup l’application WhatsApp en Haïti. C’est devenu un moyen de communication très utile tant individuellement que sous forme de groupes. Depuis le début de la crise, je suis de plus en plus Twitter en m’abonnant à plusieurs journaux et journalistes locaux qui transmettent les nouvelles en temps réel. En passant, je ne suis pas sur Facebook; c’est un projet pour ma retraite!
Si c’est une journée «à la maison», on suit les stations de radios en direct qui donnent une idée de ce qui se passe. Mais ça devient «stressant» à la longue surtout quand les manifestations sont violentes; donc je change pour la lecture ou la télé. On peut s’occuper aussi quand il y a des dossiers de travail qu’on peut gérer par Internet.
Le groupe le plus affecté par cette crise est les écoliers. Après avoir fonctionné pendant une semaine au début de septembre, la majorité des écoles de Port-au-Prince sont fermées. Je suis en contact régulier avec Pilate; on m’a informé que les écoles y ont fonctionné pendant tout le mois de septembre avant de fermer au début d’octobre.
Comme la majorité des Haïtiens s’approvisionnent au jour le jour, acheter et préparer les repas est devenu une activité très compliquée. Tout d’abord, les gens doivent trouver l’argent et les banques sont souvent fermées. Ceux qui travaillent et dont les salaires sont déposés sur leur compte de banque ont le même problème vu qu’ils ne peuvent pas faire de retraits. Une des catégories les plus affectées est les employés de la fonction publique dont les salaires sont souvent déposés plus de 10 jours après la fin du mois. Mais ça, ce sont les chanceux… Les petites marchandes, les chauffeurs de tap-tap ou de moto qui comptent sur leur petit bénéfice de la journée pour acheter le riz pour le repas arrivent difficilement à le faire. Mais il faut dire que les transferts d’argent de l’étranger ont beaucoup augmenté depuis quelque temps. Heureusement que les parents et amis sont là. Les files d’attente aux maisons de transferts sont très longues; même le plus petit montant peut sauver une famille de la grande misère. Ensuite, il faut acheter la nourriture. Les routes nationales étant pour la plupart du temps bloquées, les denrées de province arrivent difficilement (ou pas) à Port-au-Prince. Donc, les prix des denrées de base ont beaucoup augmenté, car les marchandes doivent payer plus cher pour leurs trajets entre la province et la capitale.
Je me rappelle les premières fois que je suis retournée au bureau à la fin de septembre, certains collègues m’ont dit que plusieurs familles ne mangent que du spaghetti (on mange du spaghetti le matin en Haïti, avec quelques gouttes de ketchup), du riz et du saumon en conserve (une marque locale qui ne coûte pas cher).
Face à toute cette misère, je continue à aider mes amis, mes collègues et ex-collègues sans travail, mes voisins, les pensionnaires du foyer de personnes âgées et quelques amis de Pilate en partageant soit des provisions alimentaires ou de l’argent. Comme les transports sont quasi impossibles, nous devons utiliser toutes sortes de stratégies pour faire parvenir cette aide aux gens. Par exemple, pour Pilate, on utilise un système de transfert mis en place par une compagnie de téléphone. Comme je le disais plus haut, même le plus petit montant peut permettre à une famille de lutter contre la faim.
(HR) Pouvez-vous sortir, vous déplacer, vous approvisionner?
(AP) Nous suivons les nouvelles à la radio. Nous communiquons avec les collègues et amis qui habitent d’autres zones. Certains sites de Twitter rapportent en temps réel les routes bloquées et les endroits à éviter. Mais s’il y a le moindre doute, on ne sort pas. Par exemple, nous sommes restés à la maison du 17 au 25 septembre. Ensuite je suis allée au bureau environ un jour sur deux. J’ai pu y aller pendant la semaine du 21 octobre, mais depuis dimanche 27 octobre nous sommes chez nous. Plusieurs décrivent la situation en disant que «nous sommes en prison dans nos propres maisons».
Cependant, il y a toujours un petit moment dans la semaine, surtout le dimanche matin quand les gens vont à l’église, où les supermarchés sont ouverts (il faut se rappeler que la majorité des Haïtiens achètent dans les marchés publics). Je dois dire que le tremblement de terre de 2010 m’a appris plusieurs leçons. Entre autres, toujours conserver le réservoir de la voiture plein, de la nourriture non périssable dans les placards, plus de gallons d’eau traitée et un peu d’argent en réserve. C’est ce que je continue à faire. Pour les aliments frais, je conserve du pain dans le congélateur (technique apprise de ma mère Dolorès!) et je choisis les fruits et légumes qui se conservent plus longtemps. Pour le lait, ce n’est pas compliqué, car en temps normal nous utilisons le lait en poudre ou le lait de longue conservation.
Même technique pour l’argent. Quand on passe devant un guichet ATM qui fonctionne et qui a de l’argent (n’en a pas la moitié du temps, car les banques ne peuvent pas se déplacer pour les approvisionner), je fais un retrait ou une avance de fonds sur la carte de crédit. Lorsque je réussis à avoir une petite réserve, je m’arrange pour la partager avec les collègues, amis et voisins.
(HR) De chez toi, voyez-vous des manifestations, de la violence, de la répression?
(AP) Je demeure à environ 10 minutes à pied de la grande route de Delmas (une banlieue de Port-au-Prince) où la plupart des grands rassemblements se déroulent. Cette route permet aux manifestants de circuler entre Port-au-Prince et Pétion-Ville, ville étiquetée «ville des plus riches» et souvent l’objectif symbolique des manifestations. Bien sûr, personne ne sort pour aller «voir passer la manif».
Par contre, de chez moi je peux voir la fumée de certaines barricades quand les pneus brûlent. Notons que depuis quelques jours les barricades sont faites de matériaux plus «durables» comme des branches d’arbres et des roches.
À mon avis, la répression est PARTOUT. Surtout lorsque la majorité de la population est confinée à la maison, ne peut pas aller travailler, ne peut pas se déplacer. Que les enfants ne peuvent pas aller à l’école, que les gens peuvent difficilement trouver de la nourriture et manger.
(HR) Est-ce que tu as déjà vécu quelque chose de semblable depuis que tu vis en Haïti?
(AP) Lorsque des évènements de ce genre sont arrivés en Haïti, je vivais et travaillais dans des milieux différents. Au départ de Duvalier en 1986, j’étais à Saint-Michel-de-l’Attalaye avec un projet du CECI; une ville rurale située à deux heures des Gonaïves. À ce moment-là, les gens ont manifesté partout mais c’était des manifestations de joie.
En 1991, au moment du premier coup d’état sur Aristide, je travaillais au Catholic Relief Services-Haïti (équivalent de Développement et Paix aux États-Unis). Des gangs de rues faisaient la loi. Je me rappelle qu’on avait dû fermer le bureau et déménager la logistique dans une salle de l’hôtel Montana. Le personnel étranger avait été évacué en République Dominicaine mais la Directrice et moi avions élu domicile au Montana (quand je pense qu’en 2010 l’hôtel s’est effondré avec plus de 200 morts!). On pouvait gérer un minimum de programme d’urgence pour l’appui aux orphelinats et maisons de personnes âgées. À la suite de ce coup d’État, les États-Unis avaient décrété un embargo sur Haïti. Même le carburant était rare, mais on pouvait s’en procurer à travers les programmes humanitaires.
En 2004, au départ d’Aristide en exil, ce fut des manifestations de joie. J’étais encore au CRS. Tout le monde était dans la rue. Il y avait eu des pillages, mais ça n’avait pas duré longtemps.
Mais les 6 et 7 juillet 2018, à la suite d’une augmentation du prix du carburant par le gouvernement, toute la population est descendue dans les rues en faisant beaucoup de pillages. Tous ont dû rester chez eux. Après deux jours, le gouvernement a dû revenir sur sa décision et le calme est revenu.
L’opposition a commencé à se faire plus visible en organisant des journées de manifestation en octobre et novembre 2018 à l’occasion des jours fériés. C’est autour du 7 février 2019 (date anniversaire de prestation de serment des présidents) que la crise s’est empirée avec des manifestations journalières qui ont duré plus d’une semaine. Nous avons dû rester à la maison … mais subitement… les manifestations se sont arrêtées.
Mais depuis le 17 septembre, c’est vraiment la première fois que nous vivons une telle situation.
(HR) Est-ce que le climat actuel s’apparente à celui qui prévalait l’année dernière?
(AP) Même si les deux crises sont associées è la gestion du carburant, les deux situations sont différentes. L’an dernier, il y a eu trois jours de manifestations violentes avec pillage à la suite de l’annonce de l’augmentation du prix du carburant. Dès que le gouvernement est revenu sur sa décision, la situation était redevenue normale.
Cette année, ce sont les groupes de l’opposition (même s’ils n’ont pas tous la même vision de la gestion de la crise, ils se soutiennent) qui «coordonnent» la mobilisation : ils planifient les manifs, ils font des conférences de presse, ils s’assurent d’avoir les stations de radio dites «de l’opposition» bien branchées qui font les reportages en direct, etc. Par exemple, il y a eu la période des manifs, maintenant ils disent qu’ils sont passés à une nouvelle stratégie, celle des barricades.
Donc pas de comparaison entre les deux situations; celle de l’an dernier a été résolue. Mais cette fois-ci… On ne voit pas encore où ça va arriver.
(HR) Quels sont tes sentiments en regard de tout cela? Comment décris-tu cette situation?
(AP) C’est triste de voir cette situation. Et plus ça continue, plus le pays s’enfonce et plus ce sera difficile et long à retourner à une situation plus ou moins normale. On n’aurait jamais imaginé qu’on puisse utiliser la fermeture des écoles comme moyen de pression.
Les gens en ont assez. Avec 70% de chômage, 20% de taux d’inflation, la monnaie qui a perdu la moitié de sa valeur en un an, plus de la moitié de la population qui vit avec moins de 2 dollars par jour… Les gens ont raison de se révolter. Ils veulent se faire entendre.
Un de mes collègues haïtiens décrit la situation comme suit : «Le grand problème c’est qu’on est dans une situation où on a un gouvernement démissionnaire qui ne peut pas prendre toutes les décisions nécessaires pour gouverner le pays, une opposition non crédible qui utilise toutes sortes de stratégies pour bloquer le pays (manifestations, barricades) et une majorité silencieuse qui est pris en otage. Il y a des problèmes d’inégalités sociales criantes et de corruption qui pourraient justifier ces révoltes, mais il faudrait une solution rapide et un plan de développement avec beaucoup de support financier international et des investissements directs étrangers pour permettre la reconstruction du pays”.
(HR) Comment crois-tu que cela va se conclure?
Très difficile de prévoir ce qui va se passer. D’après les commentaires dans les médias locaux et mes discussions avec des collègues, tout le monde se pose la même question. L’issue de la crise demeure toujours incertaine.
Il y a plusieurs projets de transition proposés par différents groupes, même les plus extrêmes, incluant un gouvernement de transition et une nouvelle Constitution en souhaitant avoir des gens compétents au pouvoir. Mais si l’opposition n’approche pas le groupe au pouvoir et continue à utiliser des méthodes de plus en plus violentes pendant que le pouvoir continue à faire de la répression, ça peut durer longtemps et le nombre de morts risque d’augmenter. A mon avis, les gens sont encore en train d’apprendre ce qu’est la démocratie (depuis 1986!).
Mon collègue haïtien propose la solution suivante : «Il est plus qu’important que cette crise soit résolue, pas comme les autres crises où un groupe a toujours eu la victoire politique sur un autre, mais une solution où tous les acteurs doivent se retrouver autour d’une table pour discuter les vrais problèmes (économiques, sociaux, politiques et justice) qui empêchent le développement du pays et prendre des engagements à travers une nouvelle Constitution et un plan de développement pour garantir le vivre ensemble et le développement du pays. La population ne peut plus tenir, il faut que quelque chose change par rapport aux rapports sociaux afin de réduire les inégalités. Il faut la création rapide de beaucoup d’emplois. Je crois que ce pays a plusieurs personnes compétentes et de bonne volonté qui peuvent aider à faire une différence entre l’Haïti d’aujourd’hui et celle qui doit venir».
(HR) N’étant pas sur place, il y a sûrement des choses que tu vis, que tu vois que je n’imagine même pas?
(AP) Je crois avoir mentionné ces nombreuses familles qui vivent au jour le jour. C’est effroyable. Lorsque je suis retournée au travail à la fin de septembre, plusieurs employés (surtout le personnel de soutien) ont dit avoir passé plusieurs jours sans manger.
Et le secteur de la santé! Les hôpitaux ne peuvent pas être approvisionnés en carburant, en oxygène, en matériel et plusieurs membres du personnel ne peuvent pas aller travailler. Il ne se passe pas une demi-journée sans qu’une station de radio fasse un appel à la Croix-Rouge ou au Centre Ambulancier National pour venir chercher une femme enceinte en douleurs devant les bureaux de leur station. Les journalistes et le ministère de la Santé ne cessent de passer des messages aux gens qui manifestent devant les barricades pour demander de laisser passer les ambulances.
Le tourisme et les hôtels qui ferment! Une des principales sources de revenus d’Haïti était le tourisme. Avec les mêmes belles plages que Cuba et la République dominicaine, et une riche histoire en plus, Haïti venait tout juste de recommencer à faire revivre le tourisme. Imaginons le nombre d’emplois créés dans ce secteur, et maintenant perdus. Avec les évènements de février 2019 et les touristes qui avaient dû partir en vitesse, on se demandait s’il y aurait une saison touristique à la fin de l’année; il est devenu de plus en plus évident qu’il n’y en aura pas; d’ailleurs la route pour se rendre au seul «tout inclus» sur le bord de la mer est la plupart du temps complètement bloquée.
Les paysans cultivent, mais…
De sœur Léon, fondatrice de la Fédération des petits paysans des Mornes et des plaines d’Haïti, le vice-président de l’AQANU, Dr Emilio Bazile a reçu des nouvelles.
À Rivière-Froide les paysans continuent de cultiver. Leur travail n’est pas entravé et, comme à l’habitude, ils participent aux réunions de la Fédération. Le hic, c’est que les femmes ne peuvent aller vendre les produits à Carrefour, la route étant risquée, sinon bloquée.
Plus encore, les producteurs ont entièrement perdu les produits qui se trouvaient dans les étals qu’ils louaient au marché de Carrefour.
De Rivière-Froide, il est également compliqué de se déplacer vers Labrousse où se déploie le projet Le savoir des gens de la terre de l’UPA DI que soutient l’AQANU Outaouais. Le prof Plaisir pourrait raconter ce qu’il lui en a coûté pour circuler sur la grande route afin d’effectuer ses visites d’évaluation, rapporte le vice-président de l’AQANU.
Confinés à la maison
Comme Agathe Pellerin le souligne, beaucoup de gens sont confinés à la maison. L’absence de gazoline, les barricades sur les routes limitent, sinon empêchent, les déplacements.
Pour cette raison et parce que des profs et des élèves proviennent de Carrefour ou de Port-au-Prince, l’École de formation professionnelle Sgt Mark Gallagher située à Rivière-Froide a dû cesser ses activités.
Lors de sa récente incursion dans son pays d’origine (du 1er au 11 septembre), Dr Bazile a lui-même dû rester dans sa maison durant sept des onze jours de sa mission médicale. On se souvient de ses mésaventures lors d’un de ses séjours en février dernier. «Rends-moi service, mon frère, reste là-bas!», lui avait enjoint un ami au téléphone, tentant de le dissuader de se rendre en Haïti en juin dernier. Dr Bazile a obtempéré.
Cette fois, peut-être encouragé, réconforté et, de surcroît, béni par des prêtres venus lui rendre visite, il a pu traverser la périlleuse zone de Martissan pour se rendre à Petit-Goâve (située à 100 kilomètres de sa résidence). À bord de l’antique pick-up que conduisait son cousin, transportant 60 kilos de médicaments bien dissimulés sous plusieurs couches de sacs sales, l’audacieux médecin a pu traverser cette zone où des gens se font attaquer ou agresser. «J’avais enlevé ma chemise pour ne garder que ma chemisette, coiffé un vieux chapeau et mis mon bras sur le rebord de la portière, vitre baissée. On avait l’air de vauriens! Le stratagème a fonctionné, nous n’avons pas été embêtés.
«On est au fond, on ne peut aller plus loin!»
Malgré l’ampleur de la crise et justement parce qu’il estime qu’«on est au fond», Dr Bazile entretient l’espoir. «On ne peut aller plus loin, la crise va se résorber.»
Par WhatsApp, observe-t-il, les informations circulent rapidement et les gens communiquent entre eux.
Et il évoque cette récente motion que l’Assemblée nationale du Québec a adoptée, enjoignant entre autres les gouvernements du Québec et du Canada ainsi que la communauté internationale à se mobiliser pour soutenir toute sortie de crise pacifique et démocratique qui émanerait des acteurs de la société civile haïtienne.
Ce message de l’Assemblée nationale du Québec a été fort bien accueilli par la communauté haïtienne, se réjouit Dr Bazile.
Hélène Ruel
«Inquiétude et peur»
«Inquiétude et peur généralisée» résument les sentiments qui habitent les résidents de Corail que Michel Decoste a pu sonder. La fermeture des routes leur donnant accès au département de la Grand’Anse les isole. Ils sont dépassés, désemparés, impuissants, poursuit M. Decoste.
La rareté et le coût faramineux des denrées de première nécessité les affament (le verre de riz coûte 25 gourdes, le spaghetti se vend à 50 gdes).
Les écoliers ne mangent pas à leur faim; d’ailleurs les écoles ne s’ouvrent que par intermittence. Même que lorsqu’elles sont ouvertes, elles renvoient parfois des élèves qui ne peuvent payer leur matériel scolaire.
D’ailleurs, même les gens qui occupent un emploi n’ont pas reçu de salaire depuis trois mois.
Les parents contactés espèrent recevoir un peu d’aide pour s’acheter de la nourriture, payer les sommes dues aux écoles afin d’assurer le retour en classe de leurs enfants après la crise. Remettre sur pied une cantine scolaire offrirait tout au moins un repas quotidien aux enfants démunis.
Si la crise perdure encore un mois, la famine risque d’affliger toutes les couches sociales, prédit-on à Corail.
Hélène Ruel