Marie Lissa Roy-Guérin a trouvé sa place à l’AQANU

"L’AQANU me permet d’aider plus et mieux"

À son père, Marie Lissa Roy-Guérin voue encore toute sa reconnaissance pour ce «plus grand cadeau» qu’il lui a laissé. Celui d’avoir facilité son intégration au Canada. «D’émigrer n’a pas été traumatisant pour moi. Je me savais en sécurité. Mon père nous avait dit de faire le deuil d’Haïti, que nous n’allions pas y retourner, ce qui a facilité la transition.»
Si, Marie Lissa se souvient de son enfance «d’insouciance», cette époque où la grande famille de 25 enfants, soeurs, frères, cousines et cousines, s’amusait dans la rue, elle se remémore aussi son adolescence tumultueuse sous le régime Duvalier.
Des gens de sa parenté ont été arrêtés, battus, tués. Son père, gérant d’un hôtel, ayant perdu son emploi, dictature ne rimant pas avec tourisme, la famille Roy décidait de quitter Haïti.

Deuxième d’une famille de six enfants, Marie Lissa a eu le temps de terminer ses études primaires et secondaires à l’école des Soeurs du Sacré-Coeur de Port-au-Prince. «Je voulais devenir médecin», se souvient-elle, ses brillantes notes lui permettant d’entrevoir cette possibilité.

Marie Lissa à bord d’un tap-tap en Haïti (Photo gracieuseté)


L’émigration de la famille Roy en aura décidé autrement.
«Mon père est parti le premier, oui, en éclaireur pourrait-on dire, avec ma soeur aînée. Ma mère, les autres enfants et moi sommes demeurées en Haïti le temps que je termine mes études secondaires.»


Hôtesse à l’Expo ’67


Ainsi, Marie Lissa débarque à Montréal à l’été 1966. Pour joindre les deux bouts, le père, la mère, l’aînée et elle, la cadette doivent tous travailler.
Marie Lissa oeuvre dans une entreprise d’import-export, tout en étudiant l’anglais et la sténo et, à l’occasion travaille comme mannequin.
Il y aurait tout un chapitre à consacrer à ces «merveilleux» mois de l’Expo ’67 alors que Marie Lissa y travaille comme hôtesse. Comme nous le rappellent les archives de Radio-Canada, ces «icônes de prédilection» devaient «être bilingues, instruites, dynamiques et curieuses».
C’est une expérience «magnifique» qu’elle aime se remémorer. Elle a pu guider le public, travailler au restaurant des officiels, accueillir des visiteurs de marque comme Grace de Monaco et le prince Rainier pour ne nommer que ceux-là.
Et le salaire y étant associé lui a permis de reprendre le fil de ses études pour devenir… enseignante. En un an, elle a ainsi pu décrocher son brevet A et son baccalauréat en pédagogie décerné par l’Université de Montréal.


Déjà, depuis 1964, avant d’émigrer au Canada, Marie Lissa fréquente Louis-Philippe Guérin, lui aussi natif de Port-au-Prince. Il a fait ses études en philo en Haïti et, une fois au Canada, bifurque en administration publique à Ottawa. On comprend alors pourquoi elle quitte Montréal.


Mariage


«Nous nous sommes mariés en août 1968. C’était un mariage double. Parce que la coutume veut que la cadette ne puisse se marier avant l’aînée, ma soeur et moi, nous nous sommes mariées en même temps.»
Son mari étant encore aux études, Marie Lissa commence à enseigner au secondaire à Hull, pour ce qui était alors la Commission scolaire régionale de l’Outaouais.
Une fructueuse carrière l’attend; 25 ans d’enseignement, cinq ans comme conseillère, cinq autres années comme directrice d’école. Elle enseigne, étudie (enseignement du français, administration, maîtrise en éducation), bénévole et met au monde deux enfants, une fille en 1974 et un garçon huit ans plus tard.

Toute sa vie, Marie Lissa a travaillé en éducation… (Photo gracieuseté)


En 1986, la famille Roy-Guérin vit en Europe, Louis-Philippe ayant décroché un poste à la Défense nationale. Bénévolement, Marie Lissa enseigne le français aux dames et aux militaires canadiens basés aux Pays-Bas. Avec son fils et au terme de quatre ans, Marie Lissa revient au pays, son mari devant honorer son contrat de cinq ans aux Pays-Bas.


Un riche parcours en éducation


De Gatineau où elle vit à ce moment, elle reprend son poste à la Commission scolaire. Dégagée de ses fonctions d’enseignante, elle travaille à la création de projets éducatifs afin, entre autres, de contrer la fuite des élèves du public vers le privé. Elle crée deux projets, celui en sciences géospatiales et un autre en sports-études (ski-patinage).
Ses deux mandats au Conseil supérieur de l’éducation ont aussi constitué une «magnifique expérience» pour Marie Lissa. «Se promener dans toutes les régions, écouter ce que les gens veulent, travailler avec des chercheurs, échanger avec des intellectuels, formuler des avis à la ministre», tout cela a fait sa joie, entre 1993 et 1998. Au Conseil, elle a d’ailleurs présidé la commission de l’enseignement secondaire.

Elle bénévole depuis toujours. On la reconnaît ici, au centre de la photo.
(Photo gracieuseté)


Elle a achevé sa carrière à la Commission scolaire de l’Outaouais en 2003, mais a accepté, en 2005, de reprendre une fonction de chargée de cours de l’Université du Québec en Outaouais pour enseigner les mesures et l’évaluation en éducation à Mont Laurier. Elle s’y est affairée jusqu’en 2015.
Entre-temps, avec son mari, elle a réalisé ce grand projet de marcher les 1600 kilomètres du chemin de Compostelle. «Marcher ensemble pendant deux mois et demi; 2004 a été une année merveilleuse», s’exclame-t-elle.


Une fondation à la mémoire de son mari


Deux ans après avoir reçu le terrible diagnostic de cancer, Louis-Philippe mourait l’année même du séisme en Haïti, en 2010. Auparavant, en 2004, à Miami, à l’occasion de retrouvailles, Louis-Philippe et ses confrères de classe avaient déjà convenu d’offrir des bourses d’études à des élèves de l’école Saint-Louis-de-Gonzague, cette école qu’ils fréquentaient en 1964.
Puis, à la suite du séisme et tenant à venir en aide à leurs compatriotes, des membres de la promotion de Louis-Philippe décidaient de créer une fondation. Elle portera son nom, les membres voulant perpétuer sa mémoire et ses valeurs. Le soutien de la Fondation se concentre à l’École Moderne de La Vallée de Jacmel. Elle a contribué à l’ajout de classes, à la construction d’une cuisine pour la cantine scolaire, offre des bourses d’études. http://slg64fondationlpguerin.org/

Pour la Fondation à la mémoire de son défunt mari, elle «joue» à l’infirmière.
(Photo gracieuseté)


Pour superviser les projets de la Fondation de son défunt mari, Marie Lissa est retournée à quelques reprises en Haïti, y «jouant» à l’infirmière, comme elle dit, se faisant l’interprète (elle n’a pas perdu son créole) entre patients et médecins. Elle qui s’y rendait tous les deux ans, ne peut le faire depuis 2018. Elle sait le stress continuel que vivent les Haïtiens, restant en contact avec des membres de sa famille qui y vivent toujours. «Le pays vit de catastrophe en catastrophe.»

L’AQANU en reconnaissance

Depuis 2012, elle œuvre aussi à l’AQANU. Une sorte de retour d’ascenseur, alors que l’Association l’avait aidée à mettre sur pied la Fondation.
«L’AQANU m’a apporté beaucoup. J’y ai trouvé ma place. Elle me permet de donner beaucoup de coups de pouce, d’aider plus et mieux. Par l’AQANU, je suis aussi à Corail, à Rivière-Froide, à Pilate.»

Marie Lissa Roy-Guérin (Photo gracieuseté)

Membre du conseil d’administration de l’AQANU, elle en est la rigoureuse et efficace secrétaire. Et dans sa région de l’Outaouais, elle s’affaire aux activités de financement qu’organise l’AQANU. Elle participe également à plusieurs activités de l’AQOCI (Association québécoise des organismes de coopération internationale), «une structure qui me fait voir encore plus grand».

Elle manque de mots pour décrire l’état déplorable et crève-coeur d’Haïti où les conditions ne cessent de dégénérer. «On fondait beaucoup d’espoir sur l’après-Duvalier. On espérait le retour de la diaspora. On pensait que tout se calmerait après le séisme. Ce qui me donne espoir, ce sont les gens que l’on aide et qui, eux, ne lâchent pas; ce sont eux qui nous tiennent!» Elle dit encore que l’AQANUl’a «éblouie», l’Association s’appuyant sur des gens sympathiques et sérieux, «tous bénévoles».
«De voir tant de Canadiens qui s’occupent de mon pays, Haïti, me donne aussi espoir.»


Hélène Ruel

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