La récente entente de collaboration entre la Fédération de l’enseignement collégial (FEC, affiliée à la Centrale des syndicats du Québec) et l’AQANU constitue en quelque sorte une première dans l’histoire de l’organisation syndicale. Certes, la FEC-CSQ a déjà, par le passé, soutenu des projets en Haïti, rappelle son président Youri Blanchet.
Mais il précise qu’elle avait alors financé directement des organismes haïtiens pour un projet qui n’avait pu se matérialiser.
C’est de cette expérience malheureuse dont on s’est souvenu au récent conseil général de la FEC et qui a suscité quelques questions.
En dépit du passé, les délégué.es des 16 syndicats de la FEC-CSQ ont accepté à l’unanimité de conclure une entente de collaboration avec l’AQANU afin de soutenir des projets en Haïti. Plus encore, le conseil général a accepté que soit versée la somme de 3564,20 $ à l’AQANU, participant ainsi au financement de la recherche doctorale de sœur Marie Mamoune Maurice, étudiante haïtienne à l’Université Laval. Elle veut, en Haïti, identifier les caractéristiques des écoles performantes en milieu défavorisé. (voir https://drive.google.com/file/d/1RbQxH8gDXXzWGRFhQwF0C7BkWo5EoW9o/view)
Pourquoi ces appuis?
Pour plusieurs raisons, explique Youri Blanchet.
«De passer par l’AQANU, ça rassure!», dit-il. Rassurant aussi le fait que ce premier projet financé soit issu d’une communauté religieuse (les Petites sœurs de Sainte-Thérèse en l’occurrence), les communautés religieuses se caractérisant souvent par leur «stabilité».
L’initiative de solliciter une entente avec la FEC-CSQ revient à Reginald Sorel, membre d’AQANU-Bois-Francs. Il a présidé la fédération syndicale (de 1997 à 2005) et l’AQANU nationale de 2015 à 2019. Les fonctions de ce dernier ont participé à conforter la confiance de la FEC-CSQ à l’égard de l’AQANU.
«Lorsque Reginald a présenté ce projet d’entente, cela m’a touché personnellement ayant toujours voulu faire quelque chose pour Haïti», raconte Youri Blanchet.
Un séjour marquant
À la fin des années 1980, encore étudiant en arts visuels, le Louperivois d’origine, avait participé à un stage de sensibilisation en Haïti organisé par un représentant de l’ACDI (Agence canadienne de développement international).
Plusieurs souvenirs émergent de ce séjour d’une semaine pendant lequel, bardé de son petit lexique, le collégien tentait de communiquer en créole avec les Haïtiens qu’il rencontrait. «Ça marque. La chaleur du peuple haïtien, sa résilience, sa générosité m’avaient impressionné. Je me confrontais à la pauvreté réelle. Je voyais que malgré la misère, les écolières portaient des vêtements d’un blanc immaculé; j’y voyais leur fierté. J’aurais toujours voulu retourner en Haïti.»
Mais la vie, sa famille commencée tôt, sa carrière en enseignement des arts visuels au Cégep de Rivière-du-Loup, ses engagements dans des organismes culturels de son coin de pays… et, bien sûr, le contexte politique haïtien ont toujours retardé son projet de revoir Haïti.
L’entente de collaboration avec l’AQANU pour Haïti vient colorer son mandat de président de la FEC-CSQ, fonction que M. Blanchet occupe depuis juin dernier. «Elle arrive à un bon moment pour démontrer l’ouverture au monde de la FEC-CSQ.»
Jamais, lors des discussions en conseil général, le président n’a eu à fournir des arguments à ceux ou celles qui auraient pu s’opposer à financer des projets en Haïti en raison du chaos sociopolitique dans lequel le pays est englué.
«Nous qui sommes privilégiés»
«C’est un devoir moral que nous avons, nous qui sommes privilégiés, de soulager un peu la souffrance du peuple haïtien. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de pauvres au Québec, mais chez nous, même un pauvre a la télé couleur.»
Par sa politique, la FEC-CSQ contribue de ses dons à plusieurs causes : la Fondation Tel-Jeunes, la Croix-Rouge (à la suite du passage de l’ouragan Fiona aux Îles-de-la-Madeleine), ATTAC-Québec, Fondation Monique-Fitz-Back, Femmes autochtones du Québec, Fédération des femmes du Québec, Comité international de solidarité ouvrière, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi, Fondation Léo-Cormier, Conseil national des chômeurs et des chômeuses, etc.
On le constate, l’entente de collaboration avec l’AQANU sort la FEC-CSQ des limites du Québec.
Si toutes les modalités du protocole n’ont pas encore été définies, Youri Blanchet explique que les projets haïtiens que financeront la FEC-CSQ ainsi que certains de ses syndicats concerneront essentiellement le champ éducatif.
«On pourrait s’attendre à ce que l’AQANU nous présente des projets au début de chaque année scolaire (en août par exemple), projets que la FEC pourrait soutenir et auxquels pourraient aussi contribuer certains de nos syndicats ayant la fibre internationale plus développée que d’autres.»
Le protocole de collaboration précise bien que la FEC-CSQ a toujours le choix de financer ou non des projets soumis par l’AQANU.
Hélène Ruel