Ce texte est tiré du Cyber-bulletin 11.4 de l’AQANU
«J’ai fait 86 ans, j’ai été heureux. J’espère l’être de l’autre côté.» Germain
Touchette croit. Il a toujours cru à l’esprit éternel. Jadis, sa foi était de
confession catholique. Aujourd’hui, il croit en Dieu, en sa Parole.
Et il croit en l’AQANU à laquelle il continue d’apporter sa contribution, à la
mesure de ses moyens, malgré un cancer qui le ronge.
Installé dans une résidence de McMasterville, il fait partie du comité de
projets de l’AQANU. Avec Christiane Bruyère et Reginald Sorel, il accueille,
analyse et évalue les projets, à l’aune des valeurs de l’AQANU, avant d’en
recommander l’acceptation par le conseil d’administration.

C’est l’épouse de Germain, Yola Joseph (au centre), décédée en 2010, qui l’a aiguillé vers l’AQANU. (Photo gracieuseté)
C’est par le biais de sa conjointe d’origine haïtienne, Yola Joseph (décédée le
19 décembre 2010) que Germain a commencé à s’engager à l’AQANU.
Comme elle ne conduisait pas la voiture, Germain la menait partout où elle
souhaitait aller. Elle voulait faire beaucoup de choses pour son pays qu’elle
avait dû quitter en 1970, fuyant le régime Duvalier, rappelle Germain. Et
Yola souhaitait faire émerger l’AQANU dans la région de Granby.
Germain a connu Yola alors que la communauté religieuse (des Chanoines
réguliers de l’Immaculée Conception) dont il avait fait partie durant une
vingtaine d’années l’avait recrutée pour animer des ateliers adaptés pour les
personnes handicapées. «Elle était plus compétente que moi», dit encore
Germain, faisant allusion tout autant à l’expérience de son épouse qu’à sa
formation.
Originaire de Saint-Valérien, deuxième d’une famille de dix enfants, Germain
avait abandonné l’école très tôt pour s’occuper de la ferme, surtout des
poules, souligne-t-il. À 15 ans, il fréquente l’école d’agriculture de la communauté religieuse installée à Brigham. «À l’époque les horizons étaient plus restreints.» La «liturgie et les belles cérémonies» ont convaincu l’homme «pas instruit que j’étais» de revêtir l’habit de frère convers.
Semi-cloîtré durant deux décennies, Germain a pris la décision de sortir de la communauté. «Trop d’affaires me brimaient», résume-t-il, évoquant entre autres le peu de cohérence entre «ce qui se disait et se faisait».
«Les démarches ont été longues. L’autorisation du pape n’est venue qu’un an et demi plus tard, le supérieur ayant oublié d’envoyer ma demande.»
Après des études en éducation et jusqu’à sa retraite à l’âge de 62 ans,
Germain a travaillé avec des personnes handicapées, à Cowansville puis à Granby où Yola et Germain, s’étant épousés le 7 juillet 1973, se sont installés dans leur maison. Deux filles sont nées de leur union, Magali et Cynthia.

Germain Touchette, ses filles et ses petits-enfants. (Photo gracieuseté)
La «grande quête» menée à la suite du séisme de janvier 2010 en Haïti a
vraiment fait naître l’AQANU dans la région de Granby. Beaucoup de réunions ont eu lieu dans la maison de Yola et de Germain à Granby.
Et c’est un peu pour honorer la mémoire de son épouse que Germain acontinué de s’investir dans l’AQANU, cette fois directement. Pendant de nombreuses années, il en a été le trésorier et le président. C’est lui
qui recevait le café haïtien, ce fameux café qui a développé l’autonomie de
l’AQANU-Granby. «Avant, l’argent qu’on amassait dans la région était
envoyé à l’AQANU-Outaouais.»
Ainsi, pendant plusieurs années, dans sa maison, Germain moulait et
ensachait le café. «Avec la vente de café, on a mis fin aux quêtes. On le
payait 8 $, on le vendait 15 $, la différence visant à aider les producteurs, à
faire du développement plutôt que faire la charité.»
Avec Yola, Germain s’est rendu en Haïti à deux reprises. Une première fois
en 1985 pour visiter la famille de son épouse. La seconde pour assister aux
funérailles d’une tante chez qui elle avait vécu.
Grand-père de trois petits-enfants, Germain a toujours le «besoin de faire
quelque chose».
Il estime que l’AQANU est promise à un bel avenir si elle continue de
s’adapter. Il voit d’un très bon œil qu’elle s’appuie sur l’engagement de
plusieurs personnes d’origine haïtienne comme c’est le cas actuellement.
«C’est ce qu’on visait!»
Bien qu’il se dise «en fin de vie» – «mais peut-être que j’en ai encore pour
dix ans!» -, il témoigne d’une bienheureuse confiance en l’avenir, le sien,
celui de l’AQANU et des Haïtiens dont il croit qu’ils «commencent à se
prendre en main».
Hélène Ruel