Cet article est tiré du Cyber-bulletin 15.6 de l’AQANU, Février 2025
Bien sûr, on peut se réjouir que les cantines que l’AQANU-Montréal contribue à financer nourrissent les élèves haïtiens. Mais plus encore, cette assiette servie aux enfants stimule l’implantation de tout un système d’économie circulaire, comme le conçoit l’UPA DI.
Depuis plusieurs années, et il s’agit là de sa principale mission, l’AQANU-Montréal s’associe à l’UPA DI (Union des producteurs agricoles Développement international) pour financer des cantines scolaires.
Afin de faire le point sur la question, le comité montréalais de l’AQANU avait convié Marie-Julie Ménard, conseillère en formation et communication et Élise Lortie, chargée du programme d’économie circulaire en Haïti et au Sénégal, toutes deux de l’UPA DI, à une rencontre virtuelle.
La rencontre survient au moment où, l’an dernier, l’UPA DI a dû suspendre son soutien aux cantines de la zone de Rivière-Froide occupée par des bandits. Il s’agissait d’une désolante nouvelle pour l’AQANU-Montréal qui acheminait ses fonds dans les écoles de cette commune.
L’UPA DI a choisi de se tourner vers une autre commune haïtienne, Torbeck, une région que connaît bien Andrée Fortin, membre de l’AQANU-Montréal, elle qui y a déjà œuvré.
Comme à l’habitude, l’UPA DI s’allie une organisation haïtienne pour activer le programme Les savoirs des gens de la terre. Elle le faisait avec l’Encadrement des petits paysans des mornes et des plaines en Haïti (EPPMPH) à Rivière-Froide.
À Torbeck, elle a noué un partenariat avec KOFACAD (Konbit Fanm Kaskad-Dibrey), une organisation féminine comptant 140 membres, désireuses d’améliorer leurs conditions de vie.
Ainsi, l’AQANU-Montréal contribue à soutenir les cantines de deux écoles de Torbeck (Bon samaritain de Dubreuil et École nationale de Toro) offrant des repas quotidiens à 360 élèves, ce qui a représenté un total de 36 931 repas pour l’année 2023-2024.

L’École Bon Samaritain de Dubreuil accueille quelque deux cents élèves. (Photo UPA DI)
Les repas sont cuisinés par des femmes, lesquelles utilisent presque exclusivement (à 95%) des aliments produits localement.
Élise Lortie a expliqué que chacune des écoles où s’offrent des repas aux élèves se crée un comité de coordination afin de gérer les opérations, partant de l’achat des aliments, leur entreposage, jusqu’à leur transformation. Les femmes acquièrent connaissances et confiance en elle.
Pour KOFAKAD, approvisionner les cantines scolaires induit une amélioration des circuits d’achat et de vente de produits locaux et enrichit la valeur nutritive des plats servis aux écoliers.

Dans la commune de Torbeck (Photo UPA DI)
Des formations sont ainsi offertes en nutrition, hygiène et salubrité, négociation d’ententes, gestion administrative et financière. Vingt-cinq membres de la KOFAKAD se sont formées en marketing et commercialisation, transformation alimentaire, développement de protocoles de production. Elles peuvent également profiter d’un fonds de démarrage afin d’acheter ce qu’il leur faut pour vendre leurs produits transformés.
D’autres projets se sont développés dans la commune, comme l’acquisition d’un moulin pour le grain, l’érection d’un château d’eau, la construction de locaux pour la transformation alimentaire, la cuisine collective devenant un lieu d’échanges pour les femmes.
À l’UPA DI, on rêve du jour où la cantine scolaire pourra vivre d’elle-même, misant sur la contribution de l’État, des parents, des femmes gestionnaires, des productrices et producteurs, étant entendu, selon la représentante de l’UPA DI, qu’une cantine exclusivement financée par les parents n’existe nulle part. D’autant que la majorité des écoles haïtiennes sont privées.
Progressivement, l’UPA DI est à se désengager des cantines scolaires qu’elle a contribué à faire émerger au Sénégal. Le climat sociopolitique haïtien n’est cependant pas comparable à ce pays d’Afrique, cela on le souligne.
L’UPA DI soutient quatre autres cantines scolaires en Haïti dans les zones de Labrousse et de Baptiste.
La présence de la cantine dans une école paraît constituer un attrait pour les parents. Élise Lortie ne va pas jusqu’à dire que l’augmentation du nombre d’élèves y est directement attribuable, mais elle peut en effet avoir joué un rôle. La migration des populations haïtiennes vers les régions rurales constitue vraisemblablement un facteur important. Reste que les écoles des communes font face à d’immenses défis, beaucoup de formatrices et de formateurs ayant quitté le pays.
La rencontre avec les représentantes de l’UPA DI permettra au comité de l’AQANU-Montréal d’«alimenter» – c’est le cas de le dire – ses campagnes de sollicitation de la population, comme l’a fait remarquer un membre.
D’ailleurs, lors de ses activités de financement – sa participation au Marathon de Longueuil le 18 mai et son quillethon automnal – l’AQANU-Montréal devrait disposer d’arguments convaincants, peut-être même d’un dépliant explicatif, afin de recueillir les dons pour des cantines si bénéfiques, non seulement pour les enfants, mais pour toute l’économie d’un village.
Hélène Ruel