Sans l’AQANU, «on ne pourrait pas continuer à travailler» Sœur Eugénie Jeudy, directrice de l’ÉFPMG

Directrice de l’École de formation professionnelle Mark Gallagher (ÉFPMG), sœur Eugénie Jeudy répond aux questions de l’AQANU.

Situons d’abord le contexte de cet établissement perché à Rivière-Froide en Haïti.

Cette École constitue, à ce jour, la plus importante des réalisations figurant à la longue liste de l’AQANU au cours de ses 50 ans d’histoire. Ouverte en 2014, elle continue de former des étudiantes et des étudiants.

Elle a été bâtie à la suite du séisme de 2010, grâce au soutien financier du gouvernement canadien (ACDI) à l’époque, lequel a assumé 75% du budget total requis pour la construction, soit 1 152 179 $.

Mark Gallagher, sergent néo-Brunswickois, avait trouvé la mort lors du séisme de 2010 en Haïti. Bouleversés par sa disparition, les Friends of Mark Gallagher ont voulu perpétuer sa mémoire et ont sollicité l’AQANU pour mener le projet de construction d’une école de formation professionnelle avec les Petites sœurs de Sainte-Thérèse. Déjà présente dans divers projets en Haïti, l’AQANU détenait les atouts pour décrocher une aide financière de l’ACDI.

École de formation professionnelle Mark Gallagher. Photo : AQANU

Appuyés par l’ACDI et l’AQANU, les Friends of Mark Gallagher ont amassé l’argent nécessaire pour assumer 25% des frais de construction, ajoutant une somme de 200 000 $ pour meubler le nouvel établissement. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait aussi versé une somme de 300 000 $ afin de former le personnel enseignant. L’AQANU ayant décroché la subvention du gouvernement canadien a, depuis, continué de soutenir la mission pédagogique des Petites sœurs de Sainte-Thérèse qui dirigent l’École, finançant des demi-bourses pour les élèves et l’achat de matériel.

Dans son plus récent rapport, celui de l’année scolaire 2021-2022, commencée en retard (en novembre 2021), la directrice indique que 75 élèves avaient entrepris leur formation dans les quatre filières de l’École ; l’année scolaire s’est achevée avec 70 élèves. Bon an, mal an, l’établissement accueille ce même nombre depuis trois ans.

Chaque année, l’École de formation professionnelle Mark Gallagher accueille quelque 70 étudiantes et étudiants. (Photo fournie par les PSST)

Actuellement, l’École est surtout fréquentée par des femmes (53). Le personnel enseignant se compose de 18 personnes, 14 hommes, quatre femmes. Des stages ont pu être organisés pour les étudiantes en secrétariat et pour les élèves en technique agricole. Le 14 août dernier, une fête a ponctué la graduation de 33 jeunes. L’année scolaire s’est soldée par un budget équilibré de 46 009 $, l’AQANU ayant versé 18 684 $ pour des demi-bourses (9136 $) et l’achat de matériel (9548 $).

Depuis son ouverture en 2014 et jusqu’en 2022, les Friends of Mark Gallagher ont fourni une somme de 161 240 $ pour des équipements, des salaires, des demi-bourses, la construction d’une classe, etc.

De son côté, AQANU-Outaouais a versé 111 109 $ entre 2016 et 2019 pour le fonctionnement, des fournitures, des outils, des salaires, de l’administration. Avec sa contribution de 6890 $, l’AQANU-Outaouais a participé au financement de la construction de l’atelier de maçonnerie en 2017. Elle maintient, depuis 2018, son engagement financier pour octroyer des demi-bourses, un investissement totalisant 35 961 $. Ces sommes excluent les projets en gestion ainsi que le financement des demi-bourses pour l’année scolaire 2022-2023. 

Hélène Ruel

 

AQANUPouvez-vous, sœur Jeudy, nous parler de l’évolution de l’École de formation professionnelle depuis sa création ?

Sœur Jeudy– L’École de formation professionnelle Sergent Mark Gallagher, comme vous le savez déjà, construite après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, a débuté avec 5 (cinq) filières selon une étude des besoins des jeunes et moins jeunes de la zone. Dans chacune de ces filières : secrétariat bilingue (deux ans), technique agricole (deux ans), charpenterie et menuiserie (neuf mois), maçonnerie (un an) et carrelage (cinq mois), l’École avait accueilli beaucoup de jeunes.  Plusieurs d’entre eux étaient de la zone ou dans les zones avoisinantes par exemple, Merger, Gressier, Marianie, Fontamara, etc. et certains autres dans les Départements tels que Grande-Anse, Sud-Est et autres.

Pour les deux années du programme de technique agricole, l’École a reçu une vingtaine d’élèves. (Photo fournie par les PSST)

Après deux années d’expérience, on a dû stopper la filière charpenterie parce que la demande était trop faible ainsi que pour le carrelage et la maçonnerie. Mais on continue à accueillir des jeunes dans les deux autres filières, technique agricole et secrétariat jusqu’à aujourd’hui. En 2018, on a ajouté la filière cuisine/pâtisserie. Nous avons trouvé plus de 40 candidats. Tout allait bien au début. Mais 34 ont pu boucler le cycle et réussir aux examens de l’INFP.

Donc, l’École avance avec trois (3) filières. En 2019, on a tenté de recommencer avec la filière maçonnerie. Quatorze (14) jeunes nous ont rejoints, on a débuté à travailler effectivement, arrivés au bout du chemin, 7 ont abandonné, les autres continuent à travailler, mais de manière irrégulière. Malheureusement, on n’a pas pu continuer avec ces derniers pour cause de paiement alors qu’on devait rémunérer les formateurs. C’était trop déficitaire pour l’École. Toujours en 2019, on a ajouté la filière hôtellerie. C’était vraiment bien accueilli, cette filière. Ils étaient une vingtaine pour commencer. Ils ont passé l’année, mais quelques-uns ont abandonné au cours de route.

On a tenu quand même avec les autres en les incitant à suivre les cours et l’École, de son côté, faisait des efforts pour répondre aux recommandations faites par INFP (Institut national de formation professionnelle) afin d’obtenir le feu vert pour que cette filière puisse participer aux examens d’État. Enfin, après trois années d’expérience, le rêve se transforme en réalité, nous avons la filière hôtellerie en bonne et due forme. Pour le moment, l’École fonctionne avec quatre filières : secrétariat, technique agricole, cuisine/pâtisserie et hôtellerie. Entre-temps, nous continuons à faire des promotions en vue de relancer les autres filières et si possible d’en ajouter d’autres. Mais cela demande de diagnostiquer les besoins de la communauté surtout en ces moments où il est très difficile de faire ce qu’on voudrait et du côté de l’École et du côté des jeunes qui souhaiteraient apprendre quelque chose.

Dispensé en deux ans, le programme de technique agricole a accueilli 21 élèves, huit femmes, 13 hommes. (Photo fournie par les PSST)

 

AQANU – Elle a été fondée pour répondre aux besoins de la paysannerie ; atteint-elle son objectif ?

Sœur Jeudy – La majorité de jeunes qu’ÉFPMG accueille depuis le début jusqu’à aujourd’hui ce sont les fils des paysans soit du côté de Carrefour ou dans les autres endroits. La deuxième chose c’est que celles et ceux qui la fréquentent sont ceux qui ne peuvent pas aller dans les universités ou dans d’autres écoles qui exigent beaucoup plus que nous.

Le programme de secrétariat attire essentiellement des étudiantes. (Photo fournie par les PSST)

 

En plus, les jeunes qui nous viennent nous les supportons beaucoup pour leur permettre d’apprendre quelque chose. Quelquefois c’est un problème d’argent ou toute autre chose qui demande un plus, un accompagnement de plus près. Donc, nous ne pourrions satisfaire tout le monde au même moment. Alors, nous pouvons dire que l’école atteint son objectif à un pourcentage plus ou moins élevé, il nous reste beaucoup à faire en améliorant progressivement la qualité du service offert et en cherchant à trouver de meilleurs modes d’accompagnement.

AQANU- Quelle est la provenance de sa clientèle ?

Sœur Jeudy – À 95%, ils viennent des paysans dans les mornes de Rivière-Froide ou dans les autres zones avoisinantes. Souvent, ils sont hébergés dans leur famille à Carrefour ou dans les environs.

AQANU – Quelles sont leurs possibilités actuelles de trouver de l’emploi ?

Sœur Jeudy – Il y a des organisations qui sollicitent des professionnels que ce soit en secrétariat ou en technique agricole. Dans le temps, très souvent après leur stage, les institutions les embauchent. Mais pour l’instant à cause de la situation chaotique du pays il est plus difficile pour eux de trouver un emploi après leurs études professionnelles. Cependant, il y en a qui créent leurs propres affaires pour subvenir à leurs besoins primaires.

Trente-trois jeunes ont reçu leur diplôme lors d’une collation des grades en août dernier. (Photo fournie par les PSST)

AQANU – Quels sont les défis actuels pour la Direction de l’École et pour les étudiantes et étudiants ?

Sœur Jeudy – Actuellement, la Direction se confronte à de nombreux défis. Les différents revenus, ceux de l’AQANU et d’autres, nous permettent de couvrir certains frais et doter l’école des matériels nécessaires, certes, mais il est toujours pénible pour nous de répondre comme cela doit à la rémunération des formateurs à la fin de l’année. C’est en réalité une souffrance pour nous et cette situation ralentit la bonne marche de l’école.

AQANU – Quelle a été l’importance du soutien de l’AQANU dans le fonctionnement de l’École ?

Sœur Jeudy – AQANU joue un grand rôle dans la vie de l’École. Sinon, on ne pourrait pas continuer à travailler. D’ailleurs, la Congrégation des Petites Sœurs remercie grandement AQANU et ses membres pour leur soutien et leur accompagnement, ainsi que la famille Mark Gallagher et toutes celles et ceux qui contribuent au bien-être de l’École.

AQANU – Bien avant la construction de l’École, votre communauté des PSST et l’AQANU avaient tissé de liens de partenariat dans de nombreux projets, comme l’aménagement de la cuisine de l’école Saint-François-de-Sales, le soutien à la scolarité des élèves de cette école, le financement de votre mission post-trauma après le séisme, de l’atelier de cierges et l’atelier André-David, etc. Que vous a apporté, à vous et aux populations que vous desservez le partenariat avec l’AQANU ?

Sœur Jeudy – Je remercie AQANU pour son aide à la congrégation des PSST spécialement et à la communauté haïtienne depuis plusieurs années et jusqu’à présent.

Un grand merci à chaque membre de l’Association québécoise et au gouvernement canadien pour son soutien dans la formation de la jeunesse haïtienne et le progrès envisagé pour les paysans de nos mornes.

Vous avez contribué dans l’avancement de nos missions à travers le pays qui ne sont pas aussi faciles surtout en ces derniers temps.

En ce qui concerne les écoles, à l’école Saint-François-de-Sales, les activités marchent plutôt bien pour le soutien scolaire. Les enfants progressent malgré tout. L’atelier David est en fonction certes, mais il est inachevé par manque de moyen économique de la congrégation.

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