«C’est d’ici qu’on peut le mieux aider»

Ce texte est tiré du Cyber-bulletin 10.4 de l’AQANU

Alain Talbot n’a pas mis bien des années à définir ce que devait être pour lui l’approche missionnaire, lui qui, tout jeune, en rêvait. Non, a-t-il fini par se dire, «ce n’est pas à nous de faire le travail sur le terrain. La mission doit se faire, ici, en solidarité, en support et en accompagnement» des gens de là-bas, ceux d’Haïti en ce qui le concerne. «C’est d’ici qu’on peut le mieux aider.»

Depuis près de 50 ans, tant pour l’AQANU qu’il a présidée de 1979 à 1981, que pour la Saint-Vincent-de-Paul d’Outaouais dont il assume toujours la présidence, Alain Talbot continue de se dévouer pour les gens dans le besoin, ceux d’ici et ceux d’Haïti.

«J’ai toujours été dans une dynamique de services. Que tu sois pauvre ici ou en Haïti, c’est le nombre de couches de complexité qui fait la différence.» Il y en a davantage en Haïti, «à cause des Haïtiens eux-mêmes qui ont longtemps vécu sous la dictature et à cause des pays occidentaux», dit-il.

Sa «dynamique de services» remonte à son passage chez les Oblats, congrégation religieuse à laquelle il a appartenu durant quatre ans, jusqu’en 1974.

Déjà, il avait participé à un stage en Haïti et commencé à faire, comme il le dit en riant, le «gentil animateur» des voyages socioculturels qu’organisait l’AQANU à Noël. Il s’est rapidement joint à l’équipe de coordination des stages avec Roland Gingras et Pierre Dextraze.

De cette époque, Alain Talbot se souvient des premiers projets d’eau potable menés à Torbec et à Pilate. Entre 1974 et 1980, à titre de responsable des projets pour l’AQANU, il a d’ailleurs mis beaucoup d’efforts à en développer dans divers coins du pays, à faire en sorte que l’AQANU puisse bénéficier de subventions fédérales (de l’Agence canadienne de développement international à l’époque).

«On a beaucoup travaillé à élaborer les critères d’admissibilité et de suivi des projets.»

Après le changement d’approche de l’ACDI, en 2010, Alain Talbot aurait souhaité que les différentes régions de l’AQANU se groupent et s’attellent à des projets de plus grande envergure afin de pouvoir continuer à décrocher des subventions fédérales.

«Les petits projets, c’était notre force, mais c’est aussi ce qui nous a plantés. Je dis que c’était notre force parce que, on l’a constaté après le séisme de 2010, l’aide des gros organismes ne se rendait pas sur le terrain. Nous, nous avons pu rendre un service pertinent puisque nous travaillions avec la base.»

Marié depuis 1976, père de deux enfants, dont un garçon adopté en Haïti, Gatinois depuis 1977, Alain Talbot a mené de front sa carrière dans le monde de l’éducation (prof, conseiller pédagogique, directeur d’école) et ses missions en Haïti. Leur concomitance lui aura été bien utile.

Il se dépeint «comme un pacifiste, un hyperactif, un anxieux, un multitâches. «J’ai toujours plein d’idées.»

Il a plein d’idées, de réflexions et de questions aussi.

Tout au long de son parcours, il a eu à mesurer son engagement à l’aune des principes qui le guidaient : transparence, rigueur, reddition de comptes. «Ce qui m’allume, dit-il encore, c’est de travailler en groupe. C’est de rester solidaires même quand ça va mal.»

La cohérence constitue également un principe fondamental. Le développement en Haïti a souvent été mené par une volonté de «contrôle plutôt que de service».

 

Alain Talbot s’épate toujours de la construction en 2009 de cette structure antiérosive. (Photo Alain Talbot)

Parmi les projets qui l’«allument» aussi, ce sont ceux liés à l’agriculture, à l’environnement. Ce sont ceux qui se réalisent avec et par Haïtiens, des organisations plutôt que des personnes. «Avec des organismes dotés d’une structure démocratique ayant une perspective de prise en charge.»

En feuilletant son album photos, il se montre toujours aussi admiratif du travail de ces paysans qui, pieds nus et culottes percées, ont érigé laborieusement un mur de cinq kilomètres à Ka-Henri pour contrer l’érosion et favoriser la culture d’un jardin agroécologique. La structure existe toujours, pour la plus grande satisfaction d’Alain Talbot.

À bientôt 71 ans (le 11 novembre, on s’en souviendra!), le Gatinois manifeste autant de volonté et de dynamisme à rendre service, tant à la présidence de la Saint-Vincent-de-Paul qu’à l’AQANU.

Il a fallu une cinquantaine de paysans pour construire ce mur dont l’utilité est
manifeste. (Photo: Alain Talbot)

«La COVID nous apporte encore plus d’ouvrage, nous oblige à faire autrement. Pour la distribution de nourriture, par exemple», souligne-t-il parlant de l’organisation qu’il préside.

Précieuse photo puisque pour voir cette pancarte, il fallait marcher pendant 12 heures se souvient Alain Talbot. (Photo: Alain Talbot)

En près de 50 ans d’engagement, il croit toujours en l’AQANU, dont il dit qu’elle se confronte aujourd’hui aux défis de la cohérence et de l’action axée sur ses valeurs de base. «J’ai appris à enlever une épaisseur de complexité, m’attachant à travailler sur ce que je peux contrôler.»

À bientôt 71 ans (le 11 novembre, on s’en souviendra!), il souhaiterait retourner en Haïti, son dernier séjour datant d’avril 2017.

On reconnaît Alain Talbot parmi des membres l’Encadrement des petits paysans des
mornes et des plaines. (Photo Danielle Massicotte)

Alain Talbot en compagnie des sœurs Gisèle et Léon pour discuter de formation pour
les paysans de l’Encadrement. Jean-Jacques Loyer et le regretté André David
participaient aussi à la mission. (Photo gracieuseté)

Alain Talbot privilégie les projets en agriculture. (Photo Alain Talbot)

Hélène Ruel

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