«Les gens en Haïti sont les mieux placés pour régler leurs problèmes» Alain Talbot

Tiré du Cyber-bulletin 13.4 de décembre 2022

«Ce que l’AQANU a représenté pour moi ? Beaucoup d’apprentissages, la rencontre de gens aussi passionnés pour la cause, de belles collaborations, des partenaires enrichissants et surtout un moyen, un véhicule pour favoriser plus de justice.»

Membre à vie de l’AQANU, Alain Talbot a conclu son discours avec ces mots. Il avait été invité à témoigner de son parcours et de la façon dont son engagement l’a personnellement influencé.

Alain Talbot en compagnie de Frédérique Langlais et Céline Gendron, toutes deux de la famille Tellier-Dextraze. (Photo Pierre Gosselin)

Il a, lui aussi, remonté le fil du temps, jusqu’à ses premiers stages en Haïti en 1973 et 1974 alors que tout fraîchement bardé de son baccalauréat en théologie, il voulait devenir «missionnaire».

«Après mes deux stages, j’ai réalisé que les gens sur place étaient aussi intelligents que moi et qu’ils étaient mieux placés pour régler eux-mêmes leurs problèmes. Première constatation et croyance.»

Ce constat fait, sa volonté d’aider l’animant toujours, il dit avoir réalisé que pour aider Haïti, il se devait de trouver toutes sortes de moyens pour subventionner des projets en Haïti. Lesquels ? Là était la question alors que les besoins étaient tellement grands et les «sirènes nombreuses».

Travailler pour la paysannerie lui semblait la clientèle idéale et «encore là, il fallait trouver un intermédiaire crédible, car nous n’étions pas sur le terrain».

Il a fait la rencontre du père Sony Décoste qui consacrait «temps et énergie pour nous sensibiliser à la situation du pays. Il faisait de même avec les paysans. Toujours respectueux des autorités en place. Mais très impliqué à mobiliser la paysannerie».

C’est à Torbeck, a poursuivi celui qui a été président de l’AQANU de 1979 à 1981, qu’il a réalisé que le développement d’Haïti devait se faire par les acteurs du milieu et que l’étranger ne possédait pas nécessairement la «Vérité». Les gens en Haïti sont les mieux placés pour régler leurs problèmes et nous devons travailler ensemble dans le respect mutuel à égal, a-t-il dit. Cette conviction, il en avait eu l’intuition, ses voyages en Haïti l’ont solidement ancrée.

Pendant longtemps, Alain a assumé la responsabilité des projets de l’Association auprès de l’ACDI, accompagnant les gens en Haïti pour le suivi des projets subventionnés, souvent dans la région de Kenscoff. Là, l’AQANU travaillait avec le père Occide Cico Jean, «travailleur infatigable, celui-ci était impliqué en politique. Jeu qui s’est avéré dangereux avec le «déchoucage» à la suite du changement de régime». Autre constat pour Alain, «il faut se tenir loin du pouvoir dans un régime totalitaire».

Alain n’a pas caché certaines de ses déceptions, apprenant la prudence vis-à-vis certains partenaires. Le défi de trouver d’autres sources de revenus après le changement de règles du jeu du côté du gouvernement canadien l’a grandement préoccupé. Il a parlé de sa dépression, à la suite du séisme du 12 janvier, lui qui avait visité les projets et constaté les dégâts, se sentant coupable de ne pas avoir protégé ses groupes en Haïti, déplorant les injustices, honteux du comportement des «gros pays» et des organisations internationales «complètement dépassées par la situation et d’une inefficacité remarquable». «Moralement inacceptable» à ses yeux de dépenser inutilement beaucoup d’argent alors qu’étaient ignorés les besoins de base de populations affamées laissées à eux-mêmes.»

Alain Talbot a remercié sa conjointe Éléanore Bédard de lui avoir permis de s’engager dans de nombreuses causes. (Photo Pierre Gosselin)

Toutefois, Alain s’est rasséréné avec des projets menés avec les Petites sœurs de Sainte-Thérèse (PSST) et l’Encadrement des petits paysans des mornes et des plaines d’Haïti, une «association autochtone avec un programme et une vision du développement intégré, dont l’agriculture est la porte d’entrée pour mobiliser la paysannerie».

Plus tard, le projet de construire l’École de formation professionnelle Mark Gallagher l’a complètement réconforté. «Quel beau projet. C’est grâce à l’intelligence pratique des PSST que le projet a pu voir le jour. Je suis particulièrement fier de cette réalisation, car la firme d’ingénieur-conseil et le contracteur général étaient 100% d’expertise haïtienne. Comme quoi lorsqu’on sait s’associer, faire confiance et assurer un suivi de qualité les projets peuvent voir le jour en respectant les échéanciers et le budget.»

Alain Talbot a profité de la tribune du 50e de l’AQANU pour dire que toute sa vie, il avait développé une expertise à aider sans rien attendre en retour, remerciant ses parents et éducateurs ainsi que sa dévouée conjointe lui ayant permis de s’engager dans différents projets et causes.

Hélène Ruel

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