Cet article est tiré du Cyber-bulletin 11.6 de l’AQANU
Luc Allaire ne s’est pas fait prier pour devenir membre de l’AQANU dont il dit qu’elle possède une «belle expérience de terrain». Même qu’il a accepté d’emblée de faire partie de son comité d’analyse des projets en compagnie de Germain Touchette, de Christiane Bruyère et de Réginald Sorel.
Depuis 32 ans, Luc Allaire travaille à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), y ayant occupé diverses fonctions. Actuellement, et cela depuis six ans, il assume la responsabilité des relations internationales pour la Centrale.
La pandémie de COVID-19 l’a en quelque sorte cloué devant son écran lui qui avait l’habitude de vivre pour ainsi dire dans ses valises.
Il connaît Réginald parce que ce dernier a présidé la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep, affiliée à la CSQ.
Il a suivi avec intérêt le projet de construction de l’École de formation professionnelle Mark Gallagher, dossier qu’a porté Réginald pour l’AQANU. «En Haïti, la formation professionnelle est l’enfant pauvre du système de l’éducation. Elle répond pourtant aux besoins en main-d’œuvre pour les secteurs de la santé et de l’agriculture.»
Terreur en Haïti
C’est d’ailleurs en compagnie de Réginald que Luc a vécu sa dernière mission dans la capitale haïtienne pour le suivi de deux projets financés par la CSQ et l’Internationale de l’Éducation (IE), un pour l’installation d’une bibliothèque, l’autre pour le suivi d’un programme de formation des maîtres. C’était en février 2019.
La COVID-19 qui a emporté le responsable haïtien des deux projets (Roland Matthieu) ainsi que le climat sociopolitique prévalant en Haïti ont forcé l’arrêt du programme de formation pourtant bien amorcé avec deux cohortes d’une centaine d’enseignantes et d’enseignants, déplore Luc. «La majorité de ces enseignants ne possèdent pas de formation universitaire; c’est l’objectif que l’on poursuivait.»
On peut comprendre, dit-il, qu’avec le risque d’assister – ou d’en être victime – d’une tuerie dans sa rue, il soit difficile de sortir.
«C’est périlleux pour les hommes, encore plus pour les femmes qui risquent d’être kidnappées et violées.» Les violences menacent aussi l’économie informelle, largement soutenue par les petites commerçantes. «Elles doivent sortir tous les jours pour vendre leurs produits», précise-t-il.
Depuis février 2020, poursuit Luc, Haïti est en train de vivre une nouvelle dictature. La terreur règne avec la présence d’une centaine de gangs actifs à Port-au-Prince, lesquels s’en prennent même à la police. «C’est dramatique et encore plus chaotique qu’au temps de Duvalier.»
Les médias québécois parlent moins d’Haïti que du Myanmar, se désole-t-il, soulignant que la CSQ est l’une des signataires d’un plaidoyer réclamant du gouvernement du Canada qu’il cesse de soutenir le gouvernement de Jovenel Moïse.
Ces jours-ci, Luc devait participer à une rencontre, virtuelle évidemment, convoquée par l’Internationale de l’Éducation (IE) afin de se demander ce qu’elle peut faire en Haïti.
Malgré le sombre portrait qu’il trace du climat haïtien, «il faut garder espoir», affirme-t-il. «Les Haïtiens sont tellement forts, résilients et motivés!»
La force des consortiums
Et puis, comme toute sa carrière le lui a enseigné, il croit à la force du partage, de la coopération, des consortiums à créer avec d’autres organisations, pour la réunion des ressources et des expertises.
«L’ACDI (Agence canadienne de développement international) étant disparue, il y a moins d’argent disponible pour les projets. Reste que maintenant, au lieu de répondre aux priorités du gouvernement canadien, ce sont les projets priorisés par les milieux qui peuvent se développer.»
Né et toujours résidant à Montréal, Luc s’est d’abord destiné au journalisme, ayant obtenu un baccalauréat en sociologie et sciences économiques ainsi qu’une maîtrise en communications à l’Université de Montréal.
Du journalisme à l’action sociopolitique
En 1980, il entreprenait sa carrière en information, d’abord à la radio de CIBL, puis comme journaliste pigiste.
Le 31 octobre 1989, il devenait rédacteur en chef des publications des Nouvelles CSQ et d’Options, cette dernière étant une revue de quelque 200 pages s’attardant aux recherches en éducation.
Faisant sienne la fameuse citation «le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir», Luc délaissait le secteur des communications de la CSQ en 2008 pour devenir conseiller à la formation professionnelle et technique, d’éducation des adultes, d’alphabétisation, de petite enfance. Cinq ans plus tard, il devenait conseiller à l’action sociopolitique.
Et avant d’assumer la responsabilité des relations internationales de la CSQ, il devenait, en 2014, secrétaire général du Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation, lequel est reconnu par l’Organisation internationale de la Francophonie.
Luc parle de son boulot comme d’un travail de représentation, de plaidoyer, de solidarité. Et les enjeux sont multiples, touchant non seulement le secteur de l’éducation et de la santé (la qualité et le financement des services), mais aussi la démocratie, les changements climatiques.
Il regrette de ne pouvoir retourner dans ces pays où, en République démocratique du Congo par exemple, on a instauré des «cercles d’études» qui favorisent les échanges entre profs, plus encore le «dialogue social», précise Luc. On y a discuté des façons de «mécaniser» le dépôt de la paie, de la possibilité d’opter pour un horaire de cours étalé sur cinq jours consécutifs.
La dernière fois qu’il s’y est rendu, une enseignante congolaise lui confiait que le cercle d’études avait constitué pour elle la toute première occasion de prendre la parole!
«Il est plus difficile de connaître et d’apprécier ce qui se fait lorsqu’on ne peut aller sur le terrain», observe Luc… ne délaissant toutefois pas sa connexion solidaire sur le monde.
Hélène Ruel