Michèle Beaudoin : «être au plus près des besoins»

Texte tiré du Cyber-bulletin 12.3 du mois de novembre 2021

En voici une autre qui, malgré tout ce qui afflige la population haïtienne ne
désespère pas de trouver les moyens d’aller au «plus près des besoins» de la
communauté de Liancourt, située dans le département de l’Artibonite. Et
celle-ci s’appelle Michèle Beaudoin, membre de l’AQANU-Outaouais.
On peut dire, sans se tromper, que la population de Liancourt vit dans le
«confinement» alors que la route qui y mène, partant de la capitale Port-auPrince, s’est transformée, depuis deux ans, en théâtre d’affrontements entre
deux gangs.

Distribution de kits scolaires (Photo gracieuseté)

Et cela dure et perdure. Tant et tant que le président de l’association haïtienne
COJEMEAL (Combite des Jeunes pour une meilleure alternative), partenaire
de l’AQANU, a dû se réfugier en Floride, sa sécurité étant menacée. Il avait
dû demander l’aide de gens de confiance et de la police pour garder les entrées de la ville à l’occasion des funérailles de son père et de son frère, tous deux emportés par la COVID l’année dernière.
Il a toujours espoir de revenir dans sa région, soutient Michèle Beaudoin, elle qui garde contact avec lui. «Notre projet a été mis sur pause, mais il est possible que nous puissions le relancer en 2022, après l’avoir modifié.»
Le partenariat COJEMEAL-AQANU s’est tissé il y a cinq ans. L’association a été fondée peu après le séisme de janvier 2010. «Beaucoup de gens avaient alors quitté Port-au-Prince pour revenir dans leur région, à Liancourt», signale la Gatinoise. Originellement, la Combite organisait des activités
sociales et artistiques.

Assemblée de l’association COJEMEAL à laquelle participait Michèle Beaudoin.
(Photo gracieuseté)


Michèle connaissait bien ce département de l’Artibonite où, pour OXFAM et
pour la Fondation Paul-Gérin-Lajoie, elle s’était déjà investie dans trois
missions. Et c’est à l’occasion d’un de ses séjours qu’elle avait créé des liens
avec la communauté de Liancourt.
Retraitée depuis 2011 de l’Université du Québec en Outaouais où elle a
travaillé pendant 30 ans, Michèle Beaudoin détient une maîtrise en éducation
et un diplôme d’études supérieures en interventions interculturelles.
Son bagage d’expériences en développement de projets l’a incitée à en
élaborer un avec l’association haïtienne et l’AQANU, organisme qu’elle a
connu par l’intermédiaire d’Alain Talbot, un Gatinois y étant fort actif.
À l’époque, à Liancourt, existait toujours une école de formation
professionnelle offrant des cours de couture, d’agriculture. Des formations en
électricité et en mécanique étaient également dispensées.
Le projet devait se dérouler en deux temps. Il s’agissait d’abord de distribuer
des «kits scolaires» aux jeunes de Liancourt, ce qu’on a réussi à faire. La
deuxième étape visait à ce que des sacs d’école soient fabriqués à l’atelier de
couture de l’école de formation, ce qui aurait généré des revenus.
«C’est un euphémisme que de dire qu’en Haïti, ce n’est jamais facile!»,
observe Michèle. L’ouragan Matthew a soufflé les jardins d’Artibonite de
sorte que ce que l’AQANU-Outaouais avait amassé pour le deuxième volet
du projet des sacs d’école a finalement été versé en aide d’urgence.
Entre-temps (entre 2016 et 2021), l’école de Liancourt a perdu ses formations
en couture et en agriculture. Même que l’atelier a été la cible de vandales, les
machines à coudre rendues inutilisables.
«Le projet des kits scolaires répondrait, aujourd’hui, à des besoins plus
éloignés. Il nous faut le modifier pour être plus à la proximité des jeunes,
faire en sorte qu’ils puissent utiliser leurs compétences afin qu’ils deviennent
autonomes.»

Michèle Beaudoin (Photo gracieuseté)

Michèle Beaudoin explore les possibilités. «Il n’y a à peu près pas
d’électricité et certains dispositifs comme les Invectair brisent souvent. Ne
pourrait-on pas penser à un projet pour former des jeunes à les réparer, à
installer, par exemple, des panneaux solaires qui coûtent moins cher?»
Elle se désole du recul qu’elle constate à Liancourt. «On a reculé depuis
2016. On avait, à l’époque, beaucoup plus de jeunes prêts à se former.»
«Mais je comprends tout à fait ce que m’a dit le président de COJEMEAL.
Quand tu te lèves le matin et que ta première action consiste à chercher à
manger, il est bien difficile d’avoir une prospective de plus d’une journée.»
Elle ajoute que si la première action vise à s’alimenter, elle soutient
qu’apprendre constitue la deuxième. «Les gens veulent envoyer leurs enfants
à l’école et les jeunes veulent apprendre.» Et c’est cette volonté qui continue
d’animer Michèle Beaudoin.
Hélène Ruel

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