Pour Robert Arsenault : Haïti un jour, Haïti toujours

Robert Arsenault se souvient avec plaisir de ce moment où, à la Caisse populaire de Victoriaville, il rencontre Roland Gingras, un de ses collègues enseignants, qui lui demande si un séjour estival en Haïti pouvait l’intéresser Haïti, Hawaï, Tahiti? Robert s’y perdait.

Le Victoriavillois Robert Arsenault est l’un des trois signataires de la charte de l’AQANU. (Photo Hélène Ruel)

C’était il y a plus de 50 ans. C’était avant la naissance de l’AQANU. Jeune professeur de français au secondaire, Robert s’était laissé convaincre de troquer son projet de voyage estival dans l’Ouest canadien contre un séjour en Haïti.

Chez Roland Gingras, il participe à une rencontre d’information offerte par André Dallaire. «Un personnage qui m’a marqué!» et auprès de qui, des années plus tard, il a mené d’autres activités, notamment la gestion du théâtre d’été Le Bosquet au Collège Clarétain à Victoriaville (à partir de 1989). Mais cela est une tout autre histoire.

Revenons en 1970, alors que Robert participe à un premier stage en Haïti. «Nous étions au-delà de 200. J’allais chercher une vue directe sur ce qu’on appelait alors un pays sous-développé. Que l’on habite dans les Bois-Francs, à Montréal, en campagne ou en ville, on a une culture différente.» C’est à la découverte d’autres cultures, animé du désir d’entrer en contact avec la différence, que Robert s’est élancé en Haïti.

Une expérience marquante

Ce premier séjour a été déterminant. Même que depuis, s’il n’est plus actif à l’AQANU dont il est l’un des fondateurs (signataire de la charte avec Roland Gingras et Pierre Dextraze), son intérêt et son attachement au peuple haïtien, à la cause haïtienne, ne se sont jamais démentis.

École de Flon en construction. (Photo fournie par Robert Arsenault)

Dès l’été 1971, Robert Arsenault retourne en Haïti. Il assume une responsabilité. Au bilan de son premier séjour, il avait soumis ses idées pour en bonifier l’organisation et la logistique. Avec son ami Roland, il s’occupe des aspects techniques du stage, pour, l’année suivante, en 1972, s’affairer aux aspects culturels du séjour estival annuel. À son quatrième été, il assume la direction du stage.

Au cours de ses années d’engagement en Haïti, Robert Arsenault a participé à moult projets. On le reconnaît ici, en 1972, à Flon

Durant une dizaine d’années, il s’active à l’AQANU, siégeant également à son conseil d’administration. «Les premières années, nous faisions partie de la section Ville-Marie de l’Association canadienne des Nations Unies (ACNU). Parce que nous voulions être autonomes, prendre nos décisions, gérer nos finances et conserver nos subventions de l’ACDI (Agence canadienne de développement international), nous avons décidé de nous détacher de l’ACNU et avons fondé l’AQANU.»

Au cours des années 1970, Robert participe ainsi à l’organisation des stages estivaux en Haïti, de même qu’à ceux que l’AQANU offre lors des congés de Noël et de Pâques. Il guide aussi les visites que propose l’Association aux Nations  Unies à New York.

Pendant toutes ces années d’engagement en Haïti, il suscite l’intérêt de ses proches, de ses amis, trimballe les dons des gens des Bois-Francs, notamment les médicaments du pharmacien Jacques Leahey.

Un projet mené en 1971. (Photo fournie par Robert Arsenault)

Même hors ses salles de classe, «Bob» Arsenault se soucie de pédagogie voulant faire connaître la réalité haïtienne, déboulonner les mythes et les préjugés. Avec Roland toujours, il participe à des présentations sur le pays, allant à la rencontre de membres d’organisations comme les Fermières. Il se souvient que de seulement prononcer le nom de «Duvalier» semait la terreur.

 

Plus encore, il anime des camps de simulation au développement international, où les participants (parfois des jeunes, parfois des adultes) vivent les affres ou les privilèges de la classe sociale dans laquelle le hasard les a plongés. Il y avait ceux qui devaient travailler… réellement pour gagner quelques sous et qui tentaient, sans succès, de fomenter une révolution.

André Dallaire le rappelait le mois dernier. Robert avait dû se présenter devant un juge de Joliette, alors qu’un jeune participant à un camp avait porté plainte, arguant avoir été «torturé». La Cour avait débouté le jeune homme. «Jamais, je n’aurais toléré qu’on se moque de jeunes.»

Les jeunes oubliés

D’ailleurs, c’est le sort de jeunes qui a, en quelque sorte, détourné l’intérêt du prof Arsenault de l’AQANU. Le regretté Normand Maurice (1946-2004), celui que l’on désigne toujours comme le «père de la récupération au Québec», brassait les colonnes du temple scolaire pour «récupérer» ces élèves que le système était en train d’échapper. «Le «tiers-monde» pour lequel je m’étais engagé se constituait alors de ces jeunes que l’on voulait scolariser et diplômer.»

Considéré par plusieurs comme le «bras droit» de l’impétueux prof Normand Maurice, Robert Arsenault a contribué à faire naître les CFER (Centres de formation en entreprise et récupération), d’abord à Victoriaville. Aujourd’hui, les CFER forment un réseau d’une vingtaine d’établissements au Québec. Il participe également à la création de Peintures récupérées du Québec. Ce sont d’ailleurs ces peintures récupérées qui propulsent une fois de plus Robert en Haïti, y retrouvant André Dallaire.

Ses séjours en Haïti, ses années d’engagement à l’AQANU, ont laissé des traces indélébiles dans l’âme du Victoriavillois aujourd’hui âgé de 76 ans.

À dos de mule pour la Citadelle. Cette expérience faisait partie des stages estivaux de l’AQANU. (Photo fournie par Robert Arsenault)

Il dit que ses expériences l’ont nourri, lui ont fait découvrir une autre «planète», un autre monde, lui qui avait le désir de «faire quelque chose». Quand tu passes par l’AQANU, tu n’agis plus de la même manière et tu changes d’idée sur ce qui se passe en Haïti».

D’humain à humain

Il dit encore que si l’AQANU perdure, c’est qu’elle se compose de gens ordinaires qui tendent la main à d’autres gens ordinaires. «Nous n’étions pas des spécialistes. Je me souviens à quel point notre présence, notre participation aux projets de construction (d’écoles, de barrages, etc.) étaient valorisantes, tant pour nous que pour les Haïtiens. Nous avions le sentiment d’apporter un peu, mais de rapporter beaucoup!»

Avec ce que vit actuellement le peuple haïtien, il vaut mieux travailler avec le monde ordinaire, le monde «oublié», «d’humain à humain», croit Robert. C’est ce qui a fait et fait encore la «noblesse» de l’AQANU, conclut-il.

Témoignage sur les 50 ans de l’AQANU

https://drive.google.com/file/d/190RzFWX6smFx7X8h34c37JuPZeNQsCTF/view?usp=sharing

Hélène Ruel

 

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