“Ô Canada terre de nos aïeux”

Cet article d’Hélène Ruel est tiré du Cyber-bulletin 9.4 de l’AQANU

En compagnie de 17 de ses homologues haïtiens et africains, le technicien agricole Jean-Baptiste Jean Plésir estime «super stimulant» le programme Les savoirs des gens de la terre de l’UPA DI dont bénéficient des paysans de la commune de Carrefour depuis 2016.

Jean Baptiste Jean Plésir ( Photo Gracieuseté)

Lui-même résidant à Carrefour, il agit comme répondant pour l’AQANU, la section d’Outaouais soutenant des projets agroalimentaires depuis 2007 à Rivière-Froide.

C’est d’ailleurs par l’entremise de Grégoire Ruel et Pierre Gosselin de l’AQANU- Outaouais que la fédération Encadrement des petits paysans des mornes et des plaines d’Haïti (EPPMPH) fondée par les Petites sœurs de Sainte-Thérèse en 1990 a pu commencer à implanter le programme de l’UPA DI, rappelle M. Jean Plésir.

Regroupant 24 associations, l’Encadrement compte 1885 membres actifs, des paysans qui cultivent des lots totalisant 27 250 kilomètres carrés, 70% se situant dans les mornes (petites collines).

«Dans les mornes, on peut cultiver toute l’année. On pratique surtout la culture maraîchère», dit le technicien.

En pleine séance de formation. Le technicien agricole Jean Plésir est appuyé à un arbre.
(Photo Roinéus Guerrier)

Leurs produits (ignames, patates douces, bananes, café, haricots, etc.), les paysans les acheminent vers les marchés des villes avoisinantes. «La production vise le marché local, pas l’exportation», souligne le répondant de l’AQANU.

Il campe un pan du portrait démographique haïtien disant que depuis le séisme de 2010, les villes se densifient, les gens fuyant les zones rurales. Avant le tremblement, poursuit-il, 27% de la population était citadine. «Aujourd’hui, c’est entre 35 et 45% de la population qui vit dans des villes comme Port-au-Prince, Léogane, Pétionville.»

Implanté depuis trois ans dans des localités de la commune de Carrefour, le programme Les savoirs des gens de la terre a déployé quelques-uns de ses premiers volets. L’AQANU-Outaouais s’est engagée à verser 70 000 $ à UPA DI pour soutenir le programme de trois ans.

La formation en est le premier volet. Animés par leurs pairs, les ateliers de réflexion servent à guider une cinquantaine de paysans souhaitant développer leurs capacités d’administrer des projets et de contribuer à la pérennité de l’association. Parce que c’est cette dernière c’est qui, en toute autonomie, prend les décisions, octroie le microcrédit, sélectionne les projets collectifs. Une formation à l’action démocratique et solidaire figure également au programme.

Ce sont les Petites sœurs de Sainte-Thérèse qui ont créé l’Encadrement des petits paysans des mornes et des plaines d’Haïti en 1990.
(Photo gracieuseté)

«On nous demande de nous former entre nous, on nous demande de nous financer et on nous demande de mener des projets comme nous le voulons, c’est ce que je trouve super stimulant du programme d’UPA DI», dit encore le répondant. Il ajoute qu’est bienvenue l’aide d’associations actives dans les milieux ruraux, les organismes internationaux concentrant leurs actions dans les villes.

Après la formation, les paysans ont accès à du financement pour un projet d’entreprise familiale, un prêt de trois ans. Une fois remboursé, le prêt profitera à l’éclosion ou l’expansion d’une autre entreprise familiale.

Au-delà des projets familiaux, le programme Les savoirs des gens de la terre peut également soutenir un projet bénéficiant à l’ensemble de la communauté. «On a l’argent (10 000 $), mais on n’a pas encore démarré le projet.»

Ces temps-ci, explique M. Jean Plésir, les paysans se butent aux prix élevés des semis pour la culture de céréales destinées à nourrir les porcs, ce type d’élevage se trouvant dans la mire commune des paysans.

À son troisième séjour au Québec, le répondant de l’AQANU effectue plusieurs visites d’entreprises agricoles et se livre à diverses expériences, comme celles de bûcher ou de travailler dans un champ… de glace.

Il s’intéresse aussi à la formation des producteurs, aux programmes de relève, à la vie associative.

«M’intéresse aussi la façon dont les producteurs québécois se mettent ensemble (les producteurs de lait, de miel, de porcs, de pommes, etc.) et s’organisent pour constituer une force capable de faire pression sur le politique.»

En Haïti, le travail de la terre est perçu par plusieurs comme un «complexe», un boulot «humiliant», «dévalorisant», déplore-t-il. «La terre est pourtant notre cordon ombilical. Après leur travail, infirmières et ingénieurs ont besoin de manger.» Plus de gens, après avoir étudié la philosophie, devraient revenir travailler la terre, croit-il.

Le soutien canadien aux paysans haïtiens l’inciterait à entonner un «Ô Canada, terre de nos aïeux pour notre pays Haïti», dit-il, avec un rire dans la voix.

Arrivé au Québec le 13 novembre, Jean-Baptiste Jean Plésir retournera chez lui le 8 décembre, au lendemain de l’assemblée générale annuelle de l’AQANU où il a confirmé sa présence.

Hélène Ruel

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